C’est au 5 octobre 2017 que les trois décrets d’application de la loi pour une République Numérique ont été publiés. Il s’agit de la mise en œuvre pratique des nouvelles obligations de transparence et de loyauté à respecter par les plateformes numériques pour des informations claires et objectives sur leur comportement. Parmi ces nouvelles obligations applicables à compter du 1er janvier 2018, se trouve notablement modifié le cadre juridique des avis en ligne. Cette modification sera importante car jusqu’alors l’entreprise victime d’un avis négatif se trouvait relativement démunie pour faire régulariser les conséquences de celui-ci sur sa « E-réputation » car les internautes sont anonymes, « et les plateformes ne manquaient pas d’opposer alors leur qualité » d’hébergeurs au sens des dispositions de la loi sur la confiance dans l’économie numérique (LCEN) pour minimiser, et leurs obligations de police et leurs « droits d’action sur les rédacteurs d’avis en se réfugiant derrière leur CGU ». Pour engager la responsabilité de la plateforme en tant qu’hébergeur ou l’obliger à agir, les dispositions de l’article 6.I alinéas 5 et 6 de la LCN, obligent l’entreprise à leur notifier une mise en demeure assez difficile à mettre en œuvre quant à la rédaction de son contenu car très formalisée, pour obtenir en finalité le retrait ou la modification de l’avis. La nouvelle loi d’octobre 2016 et son décret d’application changent la donne sous plusieurs aspects très importants.
Déjà le nouvel article L.111-7-2 du Code de la Consommation, issu de la loi sur la République Numérique, avait caractérisé que l’avis en ligne est celui qui provient du « consommateur ». L’article D.111-16 du Décret va plus loin et s’il confirme que l’avis doit effectivement émaner d’un consommateur, il circonscrit le domaine d’expression du consommateur, à un cadre précis puisque par son avis le consommateur doit témoigner de :
Donc l’avis doit être en lien direct avec une utilisation objective du bien ou du service, sans être lié directement à la qualité d’acheteur du bien ou du service. Si l’on peut concevoir que le tiers à qui l’on « prête » un objet puisse donner un avis de « consommateur-non propriétaire », pour l’appréciation du service ce pourra être plus complexe. La complexité se confirme lorsque le décret précise que ne sont pas considérés comme des avis en ligne au sens de l’article L.111-7-2 du Code de la Consommation :
D’abord qu’est-ce qu’un expert ? Et surtout qu’est-ce qu’une recommandation par rapport à un avis ? Ces difficultés sémantiques seront une interrogation pour l’application du texte, ce qui est dommage par rapport au double objectif du législateur qui vise à donner une information loyale vertical directe en faveur du consommateur pour qui les avis en ligne sont une aide importante avant un achat. Mais l’obligation d’information loyale concerne aussi les rapports horizontaux concurrentiels des entreprises intervenantes sur le marché. Pour un sujet aussi important, la rédaction du décret aurait dû viser à aplanir tout doute d’interprétation, l’ambiguïté est dommage. Par contre, une nouvelle obligation importante est mise à la charge de la plateforme qui doit « analyser l’avis » qui est on le rappelle « l’expression de l’opinion du consommateur » en le catégorisant par des informations à donner qui obligent la plateforme à mentionner de manière claire et visible à proximité des avis, différentes mentions soit :
La plateforme doit donc désormais se livrer à une « analyse de l’avis » puisque c’est elle qui ensuite le catégorise dans des rubriques facilement accessibles pour donner les renseignements suivants :
Ce point « b » s’inscrit dans ce que l’on peut considérer comme un principe émergeant fondamental de la République Numérique qui tend à organiser de manière générale et transversale un « droit à l’oubli » pour les mentions, informations et données au sens large mises en ligne sur Internet. Donc nécessairement, pour pouvoir « renseigner » à propos de l’ensemble des informations apportées de manière claire et visible en application des dispositions de l’article D.111-17 du Code de la Consommation, la plateforme « collecte des données personnelles » sur les rédacteurs d’avis et elle doit veiller dans cette collecte à respecter le traitement des données pour qu’elles soient conformes à la loi 78-17 du 6 janvier 78 relative à l’informatique aux fichiers et aux libertés, modifiée par toutes ses versions successives. Le traitement des données à caractère personnel devra bien sûr être aussi conforme aux règles du RGPD, même si le décret ne le vise pas, ce qui amène donc la plateforme à prendre d’ores et déjà des mesures importantes de protection du contenu des données collectées avec l’application des principes clés du RGPD savoir :
Enfin, se trouve mise à la charge de la plateforme aussi une obligation de la « police de l’avis », qui s’exerce pendant toute la durée de la mise de l’avis en ligne, le décret visant expressément pour la plateforme :
Pour exercer ce contrôle sur les avis mis en ligne, la plateforme peut donc elle-même choisir selon les possibilités :
Par contre, l’article D.111-19 du code de la consommation dispose qu’en cas de refus de publier un avis, la plateforme doit informer son auteur des motifs du refus ce par tout moyen approprié. Mais l’obligation de motiver à priori n’est pas expressément prescrite si la plateforme modifie l’avis. En conclusion, la responsabilité de la plateforme est donc bien redéfinie et elle sort de ce point de vue définitivement du confort du statut de l’hébergeur qui limitait jusqu’au 31/12/2017 et sa responsabilité et ses pouvoirs d’information. On retrouve ici une volonté certaine pour le législateur d’éviter « les avis punitifs » ou les « campagnes d’avis- trolls », où certains avis sous couvert de critiques du produit ou du service critiquaient peut-être bien autre chose que la stricte qualité avec l’objectif de porter davantage atteinte à la notoriété concurrentielle et du « produit », et de « l’entreprise vendeur-fabricante ». Toutes ces nouvelles dispositions participent de l’objectif du législateur de rendre l’activité sur la plateforme en ligne loyale et transparente pour favoriser tout autant une concurrence loyale et transparente, qu’une information de même nature pour un consommateur dans une acceptation très large. Les plateformes doivent faire au plus vite puisque ces nouvelles dispositions contraignantes sont applicables à compter du 1er janvier 2018. Elles doivent faire appel à leurs sociétés de services informatiques pour les nouvelles fonctionnalités d’information qui devront respecter autant la liberté d’expression que la collecte juste des données personnelles. Mais ces démarches de conformité « Informatiques » devront aussi associer les juristes pour rédiger toutes ces nouvelles conditions générales d’utilisation et de mentions informatives obligatoires. Joyeux Noël ! donc pour les plateformes et leurs conseils informatiques et juridiques. Le 1er janvier 2018 c’est demain, alors vite ! Tous ensemble, chacun dans nos compétences à nos blocs, crayons et fichiers. Le cabinet de Maître RONDEAU-ABOULY, Avocat à Marseille 51, rue Sainte est bien sûr à votre disposition pour vous aider à comprendre ces nouveaux textes, à vérifier et modifier vos conditions générales d’utilisation et de collecte de vos données, bref, chères plateformes, à vous aider à devenir loyales et transparentes.