Publié le 25-03-04
Sommaire :
1)Préambule : Le Digital service Act (DSA)une réglementation encore mal comprise
2)Le DSA une harmonisation du cadre des services numériques
2-1 )Une nécessaire adaptation du droit à l’évolution du numérique
2-2)Liberté éditoriale et devoir de diligence :
2-3)Le principe clé : la prévention des risques
2-4) L’Accountability permanente par une politique interne de modération des contenus
3) L’enjeu du contenu illicite : un concept évolutif
3-1) Un texte ancré dans la vision européenne des droits numériques
3-2)Un tournant dans la régulation du numérique
3-3)Le Code de conduite sur la désinformation : un nouvel outil de régulation
4) Conclusion
Du Digital Services Act (DSA), Règlement (UE) 2022/2065, on ne retient souvent que le seul débat clivant sur la régulation de la liberté d’expression en ligne.
Depuis son adoption, et plus d’un an depuis son entrée en vigueur obligatoire le 17 Février 2024, les discussions sur ce texte oscillent entre deux visions radicalement opposées.
Pour certains, le DSA serait un outil liberticide, par la promotion d’un mécanisme orienté principalement sur la censure.
Pour d’autres, il incarne une nouvelle garantie des droits fondamentaux « en ligne »pour assurer la circulation d’une information plus fiable et mieux protégée.
Limiter les discussions sur le DSA à une critique focalisée sur le seul objectif de la « censure en ligne » passe à côté de l’essentiel.
Le DSA ne se résume pas à un « bras de fer » entre « censure » et « liberté d’expression ».
Le DSA propose un cadre juridique structurant qui redéfinit les obligations des services numériques intermédiaires dans l’écosystème de l’information.
En effet le DSA rénove et complète la directive « e-commerce »2000/31/CE relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur («directive sur le commerce électronique»).
Près de 20 ans après la promulgation de cette directive dont est issue la loi française N° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, il fallait adapter le développement du commerce électronique dans la société de l'information en tenant compte des nouveaux usages de l’accès à l'Internet par et grâce aux réseaux sociaux et leur interaction avec l’économie des « plateformes » de services numériques.
Avant d’entrer dans des explications plus profondes, il est essentiel de déterminer quels ont été les principes fondamentaux qui ont présidés à l’écriture de ce texte de 109 Considérants et 54 articles.
Nous vous proposons une série d'articles pour décoder en profondeur cette nouvelle régulation et ses implications.
Avec quel objectif ?
Vous offrir une lecture claire et accessible, sans parti pris, pour tous ceux qui sont concernés par cette transformation :
Ce premier article vous présente la philosophie du DSA et son ancrage juridique dans la Déclaration Européenne sur les Droits et Principes Numériques pour la décennie numérique, un texte encore trop peu mentionné mais essentiel pour comprendre les nouveaux enjeux du numérique en Europe, qui concerne d’ailleurs tous les règlements du « paquet numérique » :
Nous poursuivrons, avec vous, le « grand feuilleton du DSA » pour explorer ses principes clés, ses impacts concrets et les défis de sa mise en œuvre.
Le DSA repose sur deux objectifs majeurs :
Protéger les utilisateurs contre les contenus et services numériques susceptibles de porter atteinte à leurs intérêts et à leurs droits fondamentaux.
Encadrer la responsabilité des plateformes numériques, en particulier les très grandes plateformes systémiques (Facebook, TikTok, YouTube…), qui jouent un rôle central dans la diffusion des contenus en ligne.
Mais que recouvrent réellement ces notions de "protection" et "d’encadrement" ?
En vingt ans, depuis la directive e-commerce de 2000, l’essor fulgurant des réseaux sociaux et des plateformes d’intermédiation a profondément transformé la manière dont l’information est produite, diffusée et monétisée.
Les plateformes ne sont plus de simples hébergeurs passifs.
Elles sont devenues des espaces d’interaction massive, où les contenus sont :
Cette transformation, qui touche les marketplaces, les réseaux sociaux et les agrégateurs de contenus, a fait émerger de nouveaux défis :
Face à ces mutations, réduire le DSA à un simple outil de censure serait une erreur d’analyse.
Ce texte introduit en réalité une nouvelle approche de la responsabilité des plateformes, fondée sur la gestion des risques systémiques.
Le DSA repose sur un équilibre inédit :
Les plateformes ne doivent pas simplement réagir, elles doivent prouver qu’elles mettent en place des mécanismes efficaces pour prévenir les effets négatifs des contenus illicites.
Ce changement de paradigme est essentiel :
Les plateformes restent libres d’héberger et de présenter des contenus, mais elles doivent désormais rendre des comptes sur leur politique de prévention des risques.
C’est ici que le DSA innove profondément en instaurant une obligation permanente de prévention pour les plateformes.
Cette « Accountability » repose sur deux niveaux d’intervention :
Les plateformes doivent mettre en place des mécanismes de détection et de réaction face aux contenus illicites.
La modération des contenus ne repose pas uniquement sur les plateformes.
Le DSA institutionnalise un dispositif de surveillance basé sur :
Des procédures d’injonction :
Des notifications externes :
Le DSA professionnalise toutefois cette surveillance externe en instituant un statut spécifique de signaleur de confiance, dont la reconnaissance repose sur des critères stricts.
Nous reviendrons plus en détail sur ce statut des signaleurs de confiance dans un prochain article, afin d’analyser leur rôle et leur impact sur l’écosystème de la régulation des contenus en ligne.
Ces mécanismes instaurent une obligation de réaction rapide :
Dans un espace numérique mondialisé, où les contenus circulent au-delà des frontières, cette régulation vise à prévenir les risques systémiques pouvant menacer les droits fondamentaux des utilisateurs, mais aussi la stabilité des États et des institutions publiques.
Le DSA ne définit pas ce qu’est un contenu illicite, il impose aux plateformes de se conformer aux législations existantes, qu’elles soient nationales ou européennes.
Ce texte repose sur une approche novatrice, fondée sur la gestion des risques systémiques liés à la diffusion de certains contenus.
Autrement dit, le DSA ne sanctionne pas un contenu en soi, mais organise la prévention de ses conséquences négatives sur les droits fondamentaux des utilisateurs des services ou destinataires des contenus et le bon fonctionnement du débat public.
Pour comprendre cette approche, il est essentiel de saisir la logique légistique qui a guidé la rédaction du texte.
Le DSA ne peut être compris sans référence à la Déclaration européenne sur les droits et principes numériques, adoptée en janvier 2023.
Ce texte constitue le socle philosophique et juridique sur lequel repose la régulation du numérique en Europe.
Un principe clé, directement rappelé par le DSA, y est affirmé :
Cette déclaration inscrit le numérique dans un cadre centré sur l’humain, garantissant : :
Le DSA ne cherche donc pas à restreindre la liberté d’expression, mais à l’encadrer pour garantir un environnement numérique plus équilibré et sécurisé.
Or, comme pour tout texte nouveau, l’application concrète du DSA reste à définir.
Son interprétation dépendra autant des hésitations inhérentes à toute première mise en œuvre que des décisions qui seront rendues par les autorités administratives et judiciaires à l’occasion des premiers contentieux.
Le DSA marque une évolution majeure dans la régulation du numérique, avec des implications directes sur la modération des contenus.
Parmi les domaines directement concernés, la communication politique occupe une place stratégique.
Les élections municipales de 2026 en France se dérouleront alors que le Règlement européen 2024/900 du 13 mars 2024 sur la transparence et le ciblage de la publicité politique sera applicable à partir du 10 octobre 2025.
Ainsi, les messages politiques diffusés en ligne, notamment sous forme de publicité électorale, seront réglementés à la fois par le DSA et par ce nouveau règlement.
Ce double encadrement soulève des enjeux inédits pour les médias, les influenceurs et les médias dit alternatifs , qui devront s’adapter pour éviter d’être pénalisés ou accusés de propager des contenus problématiques.
Face à ces défis, il devient impératif pour tous les acteurs du numérique de bien comprendre leurs droits et obligations afin d’anticiper les évolutions réglementaires.
La Commission européenne vient d’approuver le Code de conduite sur la désinformation, prévu par l’article 45 du DSA.
Ce Code s’inscrit dans la logique de prévention des risques systémiques liés à l’information en ligne.
Mais l’application de ces nouvelles règles soulève de nombreuses questions :
Nous reviendrons sur ces interrogations dans un prochain article consacré spécifiquement à ce Code de conduite et à ses implications concrètes pour les médias, les créateurs de contenus et les plateformes numériques.
Ce Code de conduite ne concerne pas uniquement les grandes plateformes : il impacte également les médias indépendants et alternatifs.
Il pourrait limiter la monétisation des contenus jugés problématiques.
Il impose de nouveaux critères de vérification de la fiabilité des sources.
Les acteurs concernés devront s’adapter à ces normes pour éviter d’être marginalisés dans l’écosystème numérique.
Dans nos prochains articles, nous analyserons comment ces règles modifient les stratégies de production et de diffusion de l’information en ligne.
Anticipez les évolutions du cadre réglementaire :
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Cet article a été rédigé par Maître Véronique Rondeau Abouly avec l'assistance de ChatGPT d'OpenAI pour la relecture et l'amélioration du contenu.
L'ensemble des idées, analyses et arguments sont le fruit de l'expertise de l'auteure, avec l'apport de l'outil IA pour optimiser la clarté et la précision du texte.
Article publié le 04 Mars 2025
Véronique RONDEAU-ABOULY
Avocat Blockchain et DPO externe
Crédits photos iStock by Getty images : aprott
Texte Audio by : SpeechGen.io - ai Text to speech
Mots clefs :
🔹 Digital Services Act (DSA)
🔹 Contenus illicites en ligne
🔹 Modération des contenus
🔹 Responsabilité des plateformes numériques
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🔹 Diligence et Accountability des plateformes
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🔹 Encadrement de la publicité politique en ligne
🔹 Contentieux du DSA
🔹 Autorités administratives et judiciaires DSA
🔹 Impact du DSA sur les médias et influenceurs
🔹 DSA et élections 2026